J’ai entendu tout d’abord l’augmentation de la charge de travail liée à l’aggravation de la dépendance des personnes qui arrivent en EHPAD, conséquence du vieillissement de la population. Il faut donc nécessairement renforcer les équipes des EHPAD et accompagner la médicalisation de ces établissements dont la mission a bien évolué depuis la création des premières maisons de retraite. Un enjeu est d’assurer aux EHPAD un financement qui soit réellement en phase avec le niveau de dépendance et de soin de chacun d’entre eux. Le risque autrement est de provoquer des situations de maltraitance ou alors que les établissements, pour protéger tant les résidents que le personnel, refusent les personnes dont les situations sont les plus complexes.
Et c’est bien la démarche du gouvernement de renforcer les effectifs. Avec une augmentation de 150 millions d’euros par rapport à l’année précédente, le budget alloué aux EHPAD est celui qui a le plus augmenté dans le budget de la sécurité sociale en 2018. Cela permettra au cours de cette année de nouveaux recrutements. La ministre de la santé a également commandé dès le mois de septembre plusieurs rapports d’information sur les EHPAD afin d’en revoir le fonctionnement de long terme. De même la transformation du CITS en réduction pérenne de cotisations pour les établissements à but non lucratif est une aide substantielle destinée notamment au secteur médico-social. C’est un fait que l’Etat s’engage en faveur des personnes âgées.
Il ne faudrait donc pas que dans le même temps les Départements, qui ont la mission de financer la dépendance, se désengagent. Je constate pourtant que, en Isère, le Conseil départemental réduit singulièrement sa participation dans de nombreux établissements, de l’ordre de plus de 10 000 euros par an. À ce compte là, on pourrait ouvrir pleinement le débat et se demander s’il est pertinent qu’une compétence d’envergure nationale comme celle du grand âge soit gérée localement. Mais nous n’en sommes pas là. Pour l’heure à chacun d’assumer ses responsabilités. L’Etat augmente ses crédits aux EHPAD non pas pour que les Départements puissent baisser les leurs mais pour soutenir les missions des personnels et mieux répondre aux besoins des résidents.
Enfin, la réforme des EHPAD et de l’accompagnement des personnes âgées dépendantes n’est pas qu’une histoire d’argent. Il faut aussi revoir le fonctionnement de l’ensemble de la filière qui comprend bien sûr aussi le secteur sanitaire et le maintien à domicile. Il est urgent notamment d’éviter aux personnes âgées de recourir aux urgences et continuer à développer les solutions de maintien à domicile. Il faut aussi revaloriser les métiers, repenser la formation, faciliter le recrutement. Il faut également repenser les organisations.
Est il pertinent par exemple que le poste de médecin coordonnateur, pourtant obligatoire dans les EHPAD, ne lui permette pas de soigner? A l’heure où l’on manque de médecins, gériatres de surcroît, cela ne me semble pas le plus judicieux. Dans les faits, cela conduit les infirmières à passer jusqu’à 50% de leur temps à essayer de joindre les médecins traitants pour obtenir un avis médical ou une modification de traitement; bien souvent la seule solution est de recourir au 15 ou aux urgences. Autoriser le médecin coordonnateur à être également médecin traitant améliorerait la qualité des soins, libérerait du temps infirmier, rassurerait les équipes et les familles, limiterait les hospitalisations et la consommation de médicaments inutiles, etc. En un mot cette mesure de bon sens et non coûteuse présente un potentiel de gain d’efficience très important. Ce sont aussi ce type de réforme qu’il faut envisager.