« Si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons »

A l’occasion de l’assemblée générale de l’association iséroise des déportés et internés résistants et patriotes, je prononçais aujourd’hui un discours sur le devoir de mémoire :

 

« Monsieur le Directeur de l’ONAC représentant monsieur le Préfet, 

Chers collègues parlementaires, 

Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus, 

Messieurs les présidents, Madame la présidente déléguée, Mesdames et Messieurs les membres de l’association départementale des déportés et internés résistants et patriotes, 

Mesdames, Messieurs, 

Le 27 janvier dernier nous commémorions à Grenoble et partout en France le 75 ème anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Le premier ministre participait au nom de la France à la cérémonie organisée à Auschwitz, tandis que le Président de la République se recueillait au mémorial de la Shoah à Paris.

Cette date du 27 janvier est depuis 2005 retenue par les Nations unies comme la journée internationale de la mémoire des victimes de l’Holocauste. Une journée qui rappelle qu’à mesure que les témoins directs de la déportation et de la Shoah disparaissent, l’enjeu, plus que jamais, est celui de ne pas oublier.

Ne jamais oublier cette blessure faite à l’humanité dans les camps de la mort, ne jamais oublier cette tentative d’anéantissement d’une partie de l’humanité par une autre, et les mécanismes qui y ont précédé. Cette cicatrice ne doit en aucun cas s’effacer. Elle est notre meilleure protection contre la résurgence de la folie et de l’obscurantisme.

En mars dernier, j’organisais avec les élèves de troisième du collège Lucie Aubrac une rencontre avec Madame Claude du Granrut, ancienne collaboratrice de Simone Veil et également fille de résistants, déportés.

Je me souviens de cette attention, surprenante chez des adolescents dans une salle de classe, alors qu’ils écoutaient cette femme de près de 90 ans au ton calme leur raconter son enfance pendant la guerre, la déportation de ses parents et les enseignements silencieux de sa mère, revenue veuve.

Ce silence m’a profondément marqué. Les enfants savaient qu’ils recevaient là un témoignage grave et précieux, et qu’ils en seraient bientôt les dépositaires.

Et Madame du Granrut leur confiait là ce que sa mère avait compris en rentrant des camps et qu’elle lui avait confié : ce terrible savoir qui ne doit jamais s’oublier, citant Paul Eluard à propos des déportés : «  Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons ».

Et face à cette voix qui faiblit, parfois vacille dangereusement, la mission dont la Fédération Nationale des déportés et internés résistants et patriotes est investie est essentielle. Essentielle tout simplement pour la survie de notre humanité.

Car au delà de la mémoire de l’horreur, ce que vous portez c’est aussi et surtout la mémoire de cette humanité, de cette force, de cet héroïsme dont bien des femmes et des hommes ont témoigné au cœur de l’enfer, cette solidarité entre déportés dont la barbarie n’est jamais parvenue à venir à bout.

Cette solidarité, cette fraternité, cette sororité dirait Madame du Granrut parlant de sa mère, qu’ont continué à faire vivre les rescapés à leur retour, réalisant la difficulté, ainsi que l’impérieuse nécessité, de se confier à ceux qui n’avaient pas vécu l’enfer.

Grenoble est un lieu particulier de cette mémoire. Ville compagnon de la Libération elle s’est engagée particulièrement pour lutter contre la barbarie nazie. Avant même la fin de la guerre, en 1943, cette terrible année pour la Résistance grenobloise, Isaac Schneersohn y fondait le centre de documentation juive contemporaine, depuis déplacé à Paris dans le Marais – le Président de la république y faisait allusion dans son discours prononcé à Yad Vashem le mois dernier.  Aujourd’hui le Musée de la Résistance et de la déportation travaille aussi à faire vivre cette mémoire.  

C’est ainsi une tradition de mémoire que l’on porte à Grenoble et que vous portez tout particulièrement à l’Association Isèroise des Déportés et Internés Résistants Patriotes. Pour cette tradition, pour vos travaux et vos actions auxquels vous consacrez cette assemblée générale, je souhaite vous faire part de mon plus grand respect et de mon plus profond soutien.

Puisse grâce à vous l’écho de leurs voix ne jamais faiblir et notre mémoire comme celle de nos enfants ne jamais faillir. »

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